Coup d’œil #11
#justicesociale

Nos « zoufris » ont construit la renommée de Romans

Si les musées et les monuments doivent offrir la possibilité de construire des ponts entre l’héritage industriel et un avenir qui se construit au-delà de la chaussure, elle ne doit pas se faire sur le dos de nos aînés et au détriment de leurs enfants.

La ville de Romans, historiquement frappée du sceau de la chaussure, a choisi, malgré le phénomène massif de désindustrialisation que la ville a connu, de continuer à faire vivre cette histoire par le biais du musée international de la chaussure. Aussi, les différentes œuvres d’art exposées en vitrine du centre-ville par la municipalité actuelle marquent une volonté de donner une identité située à la ville de Romans. 

Nous disons oui à la mémoire, mais non à la mémoire sélective. Le territoire de la Monnaie fait l’objet d’un traitement d’exception : nous ne disons pas qu’il ne l’a pas toujours été, mais ces huit dernières ont vu les politiques de stigmatisation et de délaissement du quartier grandement s’intensifier.

Les tanneries Roux, Kélian, Jourdan, tous ces noms doivent leur réussite industrielle et leur prestige à la classe ouvrière et notamment celle des quartiers populaires, que ce soit par le biais de la construction des bâtiments de production ou par celui de la production elle-même des textiles et de la chaussure. Ceux que l’on nommait autrefois les « zoufris », et qui étaient principalement issus de l’immigration post coloniale (Algérie, Maroc, Tunisie), nos grands-pères, oncles, frères, y ont laissé de leur sueur et de leur énergie. En ce sens, notre quartier a abrité en son sein de nombreux acteurs de l’industrie de la chaussure et doit trouver toute sa place dans le patrimoine local. 

Aujourd’hui en invisibilisant et en excluant leurs «enfants» du jeu socio-historico-économique de la ville, les habitant·es de la Monnaie restent en dehors, mis au banc de la citoyenneté, au banc de l’activité économique, au banc du champ politique. 

Les chaussures monumentales qui fleurissent au centre-ville sentent la sueur de nos grands-pères et de nos pères ; dans le même temps, les espaces laissés en friche dans le quartier marquent le mépris que les pouvoirs publics témoignent en notre direction. Chaque mot et chaque décision prononcée à la faveur d’une plus grande maltraitance sociale et d’une plus grande ghettoïsation, va à l’encontre de notre dignité, nous, natif·ves et habitant·es du quartier de la Monnaie.


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