Coup de cœur#4
#justicesociale, #transitionécologique

Désastres urbains : les villes meurent aussi, Thierry PAQUOT

Les grands ensembles ont été une réponse appropriée à la crise du logement d’après guerre, ils apportaient un certain confort et la modernité. Au fil des années, les faiblesses de ces constructions bâties à la va-vite se sont révélées irréparables notamment pour ce qui concerne les nuisances sonores. La faible qualité de ces barres et tours a fini par abriter une population de pauvres et d’immigré·es, ce qui a entrainé une ségrégation sociale fertile à beaucoup de délinquances et de trafics. Au final ils sont devenus des ghettos difficiles (mais pas impossible) à transformer pour les améliorer.

Les centres commerciaux sont emblématiques de la société de consommation pour laquelle l’auteur parle de « tyrannie du shopping » qui a contaminé tous les pays. Ces dernières décennies, on a vu apparaître les « retail-park » ou méga-centres de commerces et de loisirs dont l’auteur remarque que leur aspect est souvent très kitch et d’un « mauvais goût surdimensionné ». Ces centres commerciaux établis en périphérie des villes, ont d’après l’auteur, détruit 3 à 5 emplois des centres ville, pour une seule embauche dans ces méga-commerces.

Les grattes-ciel ou l’impasse en hauteur comme l’observe Thierry PAQUOT, sont des constructions imaginées par les grands capitalistes américains de la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui les architectes, les élu·es et décideurs·ses mégalos s’enthousiasment pour ces tours, mais beaucoup moins les citoyen·nes. Ces grattes-ciel sont à l’origine d’un gaspillage énergétique important pour la construction puis pour la ventilation, la climatisation, les ascenseurs et l’éclairage.

Les « gated-community » ou résidences fermées sont une réponse à l’obsession sécuritaire mais entraine une homogénéité sociologique qui enferme sur soi-même. L’auteur rappelle que nos lieux d’habitation nous façonnent et qu’à un quartier fermé, surveillé et étriqué il est toujours préférable de vivre dans des lieux ouverts.

Pour finir, Thierry PAQUOT s’attaque aux grands projets inutiles qu’il qualifie de « toxicité de la démesure ». Le capitalisme nous impose une croissance infinie présentée comme naturelle, on s’aperçoit aujourd’hui que sur une planète aux contours limités, la croissance de la population, de la production et de la consommation ont des conséquences désastreuses. Le philosophe est plutôt partisan du « small is beautiful » de Ernst Schumacher (1973) et constate qu’en France 92% des gros contrats bénéficient à Vinci Bouygues et Eiffage !

Malgré ce tableau catastrophique de l’urbanisme, Thierry PAQUOT garde un peu d’optimisme, constatant que de plus en plus de citadin·es font leurs courses à pied ou en vélo, que cela entrainera certainement une réduction des surfaces commerciales périphériques et stimulera le commerce de centre ville. De même de nombreux citoyen·nes souhaitent consommer moins et mieux, mais sortir de la société de consommation lorsqu’on y est conditionné depuis l’enfance face à des professionnels du marketing dotés de gros moyens, semble un combat difficile.

Thierry PAQUOT
Philosophe français, professeur émérite à l'Institut d'urbanisme de Paris (université Paris-Est Créteil Val-de-Marne)

Lire cet essai à la veille des élections municipales nous éclaire sur ce qu’il ne faut pas faire. S’il est trop tard pour éviter les centres commerciaux géants en périphérie* et la cité ghetto, nous devons être très vigilants pour éviter la construction de résidences fermées et de grattes-ciel ou tout grand projet démesuré.

D. C.

Désastres urbains, les villes meurent aussi, Thierry PAQUOT
Éditions La découverte, 2015.
264 pages – 17,90 €


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