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Le tribunal du commerce à la place des syndicats…

À Romans, les lieux où s’expriment la solidarité, l’entraide et la résistance disparaissent les uns après les autres. Sur cette longue liste, c’est cette fois la Maison des Syndicats qui est visée.

En élue de droite extrême, la Maire oublie que les lieux qu’elle supprime font l’histoire et l’identité de notre ville. Elle nomme la Maison des Syndicats uniquement « Espace Georges Fillioud », mais cela ne trompe personne…

De la Bourse du Travail… à la Maison des Syndicats

Jusque dans les années 80, les syndicats étaient hébergés dans deux salles de la Bourse de Travail, sur le Champ de Mars, qui permettaient d’abriter des réunions, mais guère d’y établir de bureau permanent et d’y conserver des archives. Ce local n’était pas adapté aux besoins de la vie syndicale d’une commune ouvrière comme Romans et l’aspiration à disposer de locaux dignes de la fonction sociale des organisations des salarié·es était grande.

C’est ainsi qu’à l’approche de l’élection municipale de 1977, la réalisation d’une Maison des Syndicats, comprenant des bureaux pour les différentes organisations, mais aussi une salle, pour accueillir des manifestations de diverses natures (associatives, culturelles, politiques…), s’est retrouvée en bonne place dans le programme présenté par la liste d’Union de la Gauche (socialistes et communistes) conduite par Georges Fillioud.

Le projet, proche de l’Hôtel de Ville, comme un symbole de la place accordée à la démocratie sociale dans la vie de la cité, a été inauguré le 11 juin 1982, en présence de Jean Auroux, Ministre du Travail.

Et aujourd’hui, en ces temps de crise sociale ?

En décembre dernier, les syndicats ont appris qu’ils devraient prochainement quitter leur locaux, car les besoins de l’activité syndicale ne seraient plus  aujourd’hui ceux qu’ils étaient à l’époque de l’industrie de la chaussure. Pourtant le syndicalisme concerne aussi les nouveaux secteurs économiques et participe pleinement aux confrontations pour l’invention de la société d’aujourd’hui et de demain (comme le démontre la bataille des retraites).

On aurait pu imaginer, avec de l’échange entre la mairie et les syndicats, une « optimisation » des surfaces pour faire un peu de place à d’autres besoins associatifs ( les associations logées à l’ancienne école Jean Jaurès sont elles aussi délogées…).

Mais on voit bien que le souci est ailleurs et que la volonté est de tourner le dos à toute une partie de l’héritage du Romans populaire et social, au profit de la course à l’attractivité qui fait fi des besoins d’une large majorité de la population.

Le jeu des chaises musicales

Le courrier reçu par les syndicats mentionnait que la salle Charles Michels serait également réquisitionnée par le Tribunal de Commerce. Cette salle étant la seule, avec la salle Yves Péron, à pouvoir accueillir les événements attirant du public, il devient plus facile d’organiser une conférence ou un débat dans n’importe quel village alentour, que dans notre ville de plus de 30000 habitant·es !… Surtout que la salle Yves Péron va servir à reloger d’autres associations délogées ! Chaque syndicat a été reçu séparément en mairie. Il leur a été annoncé qu’ils seraient relogés dans les bâtiments associatifs de la rue Gaillard (qui eux-mêmes hébergeaient la cantine de l’école Jacquemart… qui va déménager aussi, au grand dam des enseignant·es qui craignent de la voir « atterrir » sur leur terrain de sport ou sur les jardins des élèves !).

Légalement, la mairie ne doit reloger que les syndicats des communaux : ceux-ci auront donc des bâtiments et leurs fluides payés. Les autres auront accès à des salles, mais payeront leurs fluides…même si le bâtiment est une passoire énergétique. Le « déménagement », terme utilisé par la mairie, est prévu en septembre. Des travaux devraient avoir lieu avant.

Parmi les syndicats, la FSU et une partie de la CGT résistent, attachées à une présence au centre ville, avec des frais pris en charge par la communauté, puisque chaque syndicat est au service des citoyen·nes travailleur·ses, dans les périodes de lutte, comme au quotidien.

« C’est avant tout un accès à nos droits »

« Moi je dis que c’est pour effacer la mémoire du passé de Romans, associatif et tout ça. » dit M.-C., habitante de longue date de Romans.

Pour M.-C., la Maison des Syndicats, c’était avant tout un lieu d’information et de droit sur les conditions de travail. Quand elle s’est retrouvée seule, elle a dû apprendre à se débrouiller par elle-même et à ce moment-là, la Maison des Syndicats a joué un rôle crucial : « [elle] m’a appris à connaître nos droits, nous, la convention était pas au top, j’étais auxiliaire de vie, on a galéré. ». Pour elle, cette fermeture raisonne avec la fermeture d’un autre lieu emblématique de la ville : « Déjà que le Musée de la Résistance a été fermé… ». Outre la fermeture, c’est aussi la violence symbolique de ce qui va être mis à la place : « Elle va mettre à la place le tribunal de commerce mais ça veut dire quoi ça ?» M.-C. conclut : effacer la Maison des Syndi-cats « pour les générations à venir… c’est grave ».

Article extrait du journal les 400 Coups n°8 | Printemps 2023


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