Exigences et protocole

Depuis l’annonce gouvernementale de commencer à rouvrir les établissements scolaires à partir du 11 mai, nous avons de sérieux doutes sur la faisabilité de cette opération dans les conditions sanitaires exigées par la pandémie actuelle et, les protocoles sanitaires étant maintenant écrits pour chaque école, on en parle enfin, dans des conditions psychiques adaptées aux besoins fondamentaux des enfants.

En effet, beaucoup d’encre a coulé, à juste titre, sur la question sanitaire, celle pour laquelle nous sommes toutes et tous confiné·es depuis bientôt 2 mois. Rouvrir les établissements accueillant du public en commençant pas les établissements scolaires était un choix argumenté par le suivi des élèves décrocheurs, le lien à retisser parce qu’en septembre il serait trop tard…. Très vite, cet argument n’a plus du tout été mis en avant et, par une entourloupe dont l’actuel gouvernement a l’apanage, il était question de rouvrir les écoles primaires… et les crèches ! Ainsi les réunions de familles resteraient interdites au-delà de 10 personnes, et les élèves et leur enseignant·e allaient pouvoir être 15 dans la même pièce.

La question s’est précisée le 4 mai, lors de la parution du protocole sanitaire national et lorsque les directeurs et directrices ont commencé à plancher dessus pour le décliner à leur école. Le ton était donné et a vite fait déchanter les enseignant·es : l’école allait devenir une garderie. Non, une bergerie. Non, une prison (ou même pas car dans une prison, on peut jouer aux cartes et se taper dans le dos…). Laisser 1 mètre minimum entre les élèves (et les enseignant·es : pratique pour aider un élève…), pas de matériel collectif, des groupes qui ne se croisent pas de la journée, les déplacements faits dans un sens bien précis…

Bien-être des enfants

A quelques heures de la réouverture des écoles, nous nous posons la question de savoir qui a réfléchi aux conséquences psychologiques de l’application de telles consignes sur les enfants.

Ils sortent de deux mois inhabituels, éprouvants. Certains ont passés du bon temps dans leur jardin ensoleillé, auprès de leurs parents disponibles, mais d’autres (ou les mêmes !) sont angoissé·es. Le confinement, les journaux télévisés – certaines familles regardent en boucle les chaînes d’information -, les préoccupations des adultes par rapport au travail, les parents qui quittent la maison la boule au ventre de peur d’être contaminé·es ou de ramener le virus à la maison, celles·ceux qui tentent de répondre de leur mieux aux exigences de leur employeur, l’inquiétude du lendemain… La liste est longue de ce avec quoi reviendront les enfants à l’école.

Il y a une injonction contradictoire entre le besoin de se retrouver, rire, jouer, se confier, reprendre pied dans la vie de l’école telle qu’on l’a laissée le 13 mars et le respect de consignes sanitaires très strictes.

Le Groupe Clinique Valentinois de Psychologues de Valence, dans sa lettre ouverte du 8 mai rappelle ce qu’est un enfant, d’un point de vue psychologique : « un enfant est un être en devenir, en développement et en évolution. Pour assurer un développement optimal à un enfant, les adultes qui l’entourent doivent veiller à sa santé, tant physique que psychique, à sa moralité et à sa dignité, lui apporter un étayage affectif suffisant, et lui permettre d’explorer le monde en toute sécurité. (…) les psychologues ont montré que jouer, communiquer, explorer, sont autant de besoins vitaux pour le développement psychique de l’enfant, tout comme se nourrir, respirer et dormir sont nécessaires à son développement psychique ».

Et, si nous partageons complètement ce point de vue, nous serions tenté·es de rajouter que les parents de ces enfants ne sont pas seulement des machines à faire tourner l’économie et que l’école n’est pas une (mauvaise) garderie qui détruirait tous les repères affectifs des enfants, leur empathie à vivre ensemble et leur confiance …qui ont parfois mis tant de temps à se construire.

Voilà pourquoi nos doutes quant à la mauvaise idée de la réouverture des écoles dès le 11 mai ont évolué vers une certitude. Certains avis scientifiques, dont celui du Conseil Scientifique placé auprès du Président de la République, ainsi que le choix de plusieurs pays touchés de façon équivalente à la France de laisser les écoles fermées jusqu’en septembre, nous confortent dans cette position : le choix de la date du 11 mai est précipité.

Il nous est inconcevable que ce soit à nos enfants de payer le prix de choix gouvernementaux, qui ne sont qu’hésitations et incohérences depuis le début de la pandémie ; il nous est inconcevable que les enfants puissent être des sujets d’expérimentation au service de la reprise économique du pays !

Et à Romans...

Certains maires ont pris le temps de réfléchir, se sont informé·es, ont pris le temps d’échanger et se sont déclaré·es dans l’impossibilité de mettre en place les mesures sanitaires nécessaires ; ils ont estimé que la responsabilité qui leur était laissée était trop lourde et ils ont décidé d’attendre le bilan du déconfinement pour rouvrir les écoles.

Au lieu de cela à Romans, l’équipe municipale s’est une fois de plus* précipitée pour être la première à appeler les familles (ou pour continuer la campagne électorale ?), demandant aux parents s’ils comptaient mettre leur enfant « à l’école » le 11 mai, sans expliquer les conditions carcérales de cette reprise (sur lesquelles personne n’avait encore travaillé, le protocole sanitaire national définitif n’étant paru que le 4 mai)…

Finalement, 15 % des élèves retournent à l’école la semaine prochaine (cela est tout de suite moins impressionnant que le « 1 million » annoncé dans les médias par le ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel BLANQUER…) : les écoles rouvrent pour 3, 5 10, 25 élèves et cela mobilise un grand nombre d’adultes. Le suivi pédagogique à distance et le lien téléphonique avec les familles, mis en place depuis mi-mars, ne vont plus être aussi réguliers ni aussi personnalisés…

Les écoles rouvrent pour quelques jours avant le Pont de l’Ascension, alors qu’on n’a aucun (vraiment aucun) recul sur ce que sera le déconfinement ; aucun recul sur la « deuxième vague de malades » tant redoutée, qui pourrait nous appeler à nous confiner à nouveau.

Au final, cette incroyable organisation, extrêmement coûteuse en terme de moyens financiers pour la commune, en temps et en énergie pour les personnels de la Mairie et de l’Éducation Nationale, ne mènera qu’à une insatisfaction générale : celles des enfants d’abord, des familles qui ne se verront proposer que des temps d’accueil à l’école partiels à partir de juin, des enseignants dont le métier perd tout son sens dans ces conditions. Et soyons clairs, ce ne sont pas majoritairement les enfants qui en auront le plus besoin (pour des raisons de difficultés scolaires ou de situation de confinement difficile) qui reviennent en présence à l’école.

N’aurait-pas été plus humain / judicieux / opportun / raisonnable / adulte / logique et, surtout, plus respectueux et attentionné pour les enfants d’attendre un assouplissement des consignes pour leur proposer de revenir à l’école ? Respect et attention, c’est le minimum que nous pouvions leur offrir, depuis Romans si le gouvernement ne l’avait pas fait au niveau national, nous qui leur avons déjà rudement noirci leurs perspectives d’avenir…

Nous saluons la mise en œuvre du SMA (Service Minimum d’Accueil) par la Ville de Romans, en l’ouvrant à tout enfant de personnel nécessaire à la lutte contre le COVID vivant ou travaillant à Romans. Vu le peu de familles volontaires, n’aurait-il pas été plus judicieux d’étendre ce SMA qui n’est pas soumis à des règles sanitaires aussi drastiques que l’école, et de permettre à la majorité souhaitant garder leurs enfants à la maison de continuer à bénéficier de l’enseignement à distance dans de bonnes conditions ? Cela aurait permis aussi de préparer sans précipitation la rentrée en septembre en prenant en compte les impératifs sanitaires qui seront malheureusement toujours présents à ce moment-là.

* Les élu·es appellent les familles à la moindre occasion, « pour prendre des nouvelles », diffusant à l’occasion des nouvelles sans fondement (« L’école reprendra en septembre » expliquait une élue en mars) ou outrepassant totalement leur fonction (« L’enseignant de votre enfant vous envoie bien des devoirs ? »)… Rajoutant du flou dans le flou, sautant sur toutes les occasions pour se rendre (enfin) humaine (cf lettre de condoléances à la famille des personnes décédées), ou à nouveau très très à droite (cf déclarations suite à l’agression au couteau), l’actuelle équipe municipale continue de nous inquiéter par son inconséquence, ses réactions toujours « à vif » et ses décisions prises en déconnexion totale avec la vie des gens sur le terrain, ses prises de recul inexistantes, son leitmotiv « être la première »… De quoi inquiéter dans un monde où il va être – il est déjà – vital de changer de modèle de pensée.

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