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Le discours sécuritaire et pourquoi faire peur aux électeur·rices

La sécurité, le thème de campagne, pourquoi ?

La sécurité a été un thème majeur des campagnes électorales pour les élections départementales et régionales de juin passé alors que ce n’est  pas une compétence des conseils départementaux et pas davantage des conseils régionaux. Cela devrait paraître absurde, comment notre démocratie a-t-elle pu en arriver là?

Une grande partie des forces politiques françaises s’est en effet emparée de ce thème pour ne pas en laisser le monopole à l’extrême droite. Cette dernière a fait de la sécurité son thème de prédilection depuis une vingtaine d’années et a donc réussi à diffuser son poison aux partis censés être plus républicains. Pourquoi qualifier ce thème de poison ? Tout simplement car il est nocif, comme nous allons le démontrer. 

La sécurité mise en avant correspond aux agressions physiques et aux vols qui ne touchent qu’un nombre restreint de personnes même si ce nombre peut toujours paraître trop élevé. L’insécurité, qui touche des millions d’habitant·es, concerne l’accès à la nourriture et au logement et n’est que trop rarement un thème de campagne. Serait-ce une dégradation de la situation “sécuritaire”? 

L’Insee donne les chiffres suivants :

2012

2016

2017

2018

Violences non domestiques

764 000

735 000

822 000

812 000

Dont violences physiques

647 000

558 000

579 000

646 000

Dont violences sexuelles

146 000

200 000

276 000

196 000

Les violences physiques restent stables et les violences sexuelles ont augmenté, du fait d’un meilleur recueil des plaintes; les vols et effractions se sont-ils envolés ? Pas davantage, ils ont au contraire décru : les vols et tentatives de vols personnels n’ont baissé que de 2,5% mais les vols et tentatives avec violence ont baissé de 45% entre 2012 et 2018 tandis que les vols et effractions sur les logements et véhicules ont baissé de 15%.  Logiquement le sentiment d’insécurité devrait diminuer, les violences domestiques restant stables et les vols avec violence ayant fortement diminué. Or, selon l’Insee, le sentiment d’insécurité au domicile est le même en 2010 et 2019 (15,7%) et celui dans le quartier ou village a peu changé (20,5% en 2010, 21,2% en 2019). Ainsi environ un·e Français·e de plus de 14 ans sur 5 ne sent pas en sécurité dans son village ou son quartier, ces 11,6 millions qui ont peur sont à comparer au 812 000 cas de violences non domestiques, 166 000 vols avec violence et 580 000 actes de vandalisme (chiffres de 2018), soit au total 1 558 000 actes pouvant générer ce sentiment, il y a donc près de 7,5 fois plus de personnes ne sentant pas en sécurité de que de victimes. 

En résumé, cette émergence du thème sécuritaire n’a pas pour cause une dégradation des statistiques et une augmentation du sentiment d’insécurité mais résulte d’une manipulation de l’opinion qui a formidablement réussi.

La peur, outil du populisme et des dictatures

Les populistes cultivent la peur de leurs compatriotes pour conquérir le pouvoir et l’utilisent ensuite pour le conserver. Chaque acte violent un tant soit peu spectaculaire est exploité à outrance et cette tendance s’est renforcée depuis quelques années avec l’avènement de l’information, ou supposée telle, véhiculée par les réseaux sociaux. Les médias traditionnels qui subissent la concurrence directe de ces réseaux sociaux voient leurs ressources, et donc leurs capacités d’investigation et rédactionnels diminuer, ils donnent de plus en plus vers le spectaculaire pour vendre. Les algorithmes utilisés par les réseaux sociaux cherchant à maximiser les profits mettent en avant les contenus les plus sensationnels y compris ceux dénués de toute réalité factuelle. L’extrême droite en France est très habile à exploiter tout fait divers, elle utilise bien sûr les réseaux sociaux mais aussi des chaînes de télévision à la ligne éditoriale proche de ses convictions.

L’extrême droite et plus généralement les populistes exploitent ce sentiment d’insécurité en pointant du doigt des boucs émissaires responsables selon eux de la situation. Ces boucs émissaires sont depuis des millénaires des gens différents: étranger·ès, pratiquant·es d’autres religions… 

De la peur à la haine, le pas est vite franchi. Ainsi Trump désigne les émigrant·es et les Chinois·es comme les responsables de tous les maux américains, et considère les “suprémacistes” comme ses ami·es qui revendiquent la supériorité de la race blanche.  L’extrême-droite européenne n’est guère différente, généralement xénophobe, antisémite et raciste. Les discours de haine sont rassembleurs, mais il faut quand même un peu d’amour pour cimenter ces troupes haineuses : ce sera l’amour de la nation et du drapeau qui la symbolise, le nationalisme est ainsi un caractère général des populismes.

La haine dégénère facilement en violence et les populistes sont très bienveillant·es envers leurs sympathisant·es commettant des actes de violence contre tout adversaire, n’hésitant pas  à encourager cette violence, voire à l’organiser (Trump a ainsi appelé à envahir le Capitole).

La conquête du pouvoir et après

Pour rassembler suffisamment de citoyen·nes pour conquérir le pouvoir par les urnes, les mouvements populistes ont besoin d’un leader charismatique, Hitler, Trump, Poutine, Erdogan sont parvenus au pouvoir par les urnes (Poutine aurait même été majoritaire sans frauder). C’est peut-être notre chance en France que la “patronne” de l’extrême-droite n’ait pas davantage de charisme.

Une fois au pouvoir, les réflexes sont partout les mêmes : contrôle des médias, annihilation des médias hostiles, justice aux ordres du politique, élimination des opposant·es (homicides, emprisonnement..) et corruption généralisée dans la plupart des cas (sauf peut-être en Chine).

Localement en France, on observe des phénomènes inquiétants dans les municipalités dirigées par l’extrême-droite telles que Hénin-Beaumont. Marine Tondelier, élue d’opposition témoigne de ce qu’elle vit et voit dans sa ville : insultes quotidiennes, calomnies, dénigrement, les médias locaux sont aux ordres, la surveillance par des caméras s’intensifie. Beaucoup d’opposant·es se lassent et finissent par quitter la ville.

Et nous à Romans ?

Nous assistons lors du second mandat de Mme Thoraval a un recul de la pratique démocratique municipale. Comme en 2014, Madame la Maire s’est fait attribuer (par vote lors du Conseil municipal) des pouvoirs supplémentaires en début de mandat qui lui permettent de ne pas mettre en délibération un certain nombre de mesures. Le nombre de Conseils municipaux diminue. Rien d’illégal dans tout cela, bien entendu, mais quand on assiste à un Conseil municipal, on réalise vite le mépris total de la majorité pour son opposition (malheur aux vaincu·es). Par ailleurs, les concertations obligatoires sont menées parfois lorsque le projet est ficelé, citons à ce sujet le projet du Chemin des Bœufs qui mobilise contre lui de nombreux riverain·es. 

Côté sécurité, le déploiement de la vidéosurveillance dont l’exploitation coûte fort cher à la ville et le renforcement d’une police municipale armée n’ont pas fait diminuer violences et incivilités. 

Les données montrent que l’insécurité qui touche le plus de citoyen·nes concerne l’alimentation (entre 5 et 8 millions), le logement (300 000 SDF et 4 millions de mal-logé·es) et l’emploi. 12 millions de Français·es sont concerné·es par la précarité en France et Romans ne fait pas mieux que la moyenne. L’organisation Break Poverty qui a conçu les dispositifs Dotation d’Action Territoriale, que Mme Thoraval a salués, considère que 45% des jeunes Romanais·es vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il est clair que pour le Collectif Pour Romans rendre la ville attractive ne consiste pas à refaire le chemin des Boeufs ou à découvrir la Savasse mais à mettre toutes les ressources financières et humaines possibles pour des projets d’éradication de la pauvreté à travers notamment l’insertion professionnelle tels que Territoires Zéro Chômeur ou l’instauration à l’image de Grand Synthe d’un revenu de base (la commune finançant le coût de ce revenu par ses économies d’énergie).

Pour aller plus loin :

  • INSEE TEF édition 2020 pages 82 – 83
  • BREAK POVERTY dat-france.org
  • Fondation Abbé Pierre

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