Interview de Raphaël Arnault
Raphaël Arnault, né le 8 janvier 1995 à Lyon, est un militant antifasciste cofondateur et porte-parole de la Jeune Garde antifasciste jusqu’en 2022. En 2024, il est élu député de la France Insoumise / Nouveau Front Populaire dans la première circonscription du Vaucluse où il est l’un des deux seuls candidats de gauche à ravir une circonscription au RN, grâce à une très forte mobilisation des jeunes et des quartiers populaires.
Samedi 11 février, il était l’invité des 16èmes rencontres départementales des luttes et résistance organisées par Ras l’Front-Voiron.
Souvent les antifascistes font peur, alors qu’ils luttent contre le fascisme. C’est quoi, « être antifa» ?
Les mouvements antifascistes sont nés en réponse à la violence fasciste. Il est vrai que nous espérons toutes et tous une société émancipée de la violence. Mais on ne peut pas nier que pour notre propre existence politique, nous devons nous affirmer. Lorsque la marche des Fiertés voulait par exemple passer par le Vieux Lyon, la préfecture a demandé de changer le parcours.
Donc on devait accepter qu’une marche ne passe plus dans un quartier car l’extrême-droite (ED) avait décrété que c’était son territoire ! Si ça avait été accepté, ça montrait que si l’ED était assez violente, on leur laissait la place ! Notre camp doit être en capacité de répondre à la violence qui nous est imposée. Les antifa ont accepté la violence parce que c’était le seul moyen de ne pas laisser le terrain à l’ED !
Évidemment certains médias qui appartiennent à des milliardaires ont intérêt à dégommer toutes les formes de résistance et toutes les formes d’action militante progressiste et d’émancipation sociale. Cet acharnement, relayé par le monde politique (repensons aux militants écologistes devenus des écoterroristes) aboutit -volontairement- à une confusion généralisée ! En 2018, à Lyon, la Jeune Garde nourrissait déjà un fantasme médiatique, et on a fait notre autocritique : pourquoi les antifa inquiétaient plus que les fachos ?
Nous avons discuté des limites qu’on se donnait, de ce qu’on acceptait, nous avons analysé la violence qui nous était imposée, discuté de l’organisation des services d’ordre pour mobiliser et réaffirmer notre radicalité pour inquiéter les fascistes tout en réduisant l’isolement des antifa du reste du corps social. Et nous avons réussi car les rassemblements, avec tout un arc du camp social et politique, ont eu plus de monde. Aujourd’hui, dans le camp antifa, ce sont la radicalité et l’unité qui priment !
L’unité sur le terrain est une nécessité politique face à l’ED, sans attendre les consignes des directions politiques et syndicales : nous ne laisserons pas un camarade sur le carreau face à toutes les formes que prennent les offensives de l’ED. Mais l’unité dans les accords politiques ne doit pas se faire à n’importe quel prix ! Dans cette période où, même par des gens de gauche, les antiracistes sont accusés de racisme, où les féministes sont dites sexistes, où les ouvriers sont accusés d’embêter leur patron, on a intérêt à ne pas lâcher nos positions politiques !
Dans notre campagne électorale à Avignon, je n’ai pas cédé pour édulcorer mes termes contre l’ED, moins parler de la Palestine -enlever ma boucle d’oreille, cacher mes tatouages…- et tenir la barre nous a permis de gagner ! Je rappelle qu’en juin dernier le NFP partait perdant pour tout le monde… Ne sous-estimons pas l’espoir que nos prises de position suscitent, ni notre force de mobilisation !
L’autre matin, j’ai eu un coup de mou, puis je me suis rappelé que Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, a mis toute son énergie pour ne pas qu’il y ait un gouvernement du NPF : il paniquait !!! Gardons notre dignité et ne nous laissons pas abattre ! Appuyons-nous sur nos victoires récentes et les victoires futures, dans lesquelles on ne pourra pas nier la question antiraciste -on n’a pas le droit de la nier, pour toutes les personnes qui subissent les politiques racistes-. Fondamentalement, il faut être radical, arrêter de réfléchir par strict résultat des urnes -une maladie de gauche- et ne pas céder sur la ligne politique !
Aujourd’hui, qu’est ce qui est réellement dangereux ?
Certaines personnes à gauche ont du mal à analyser ce qui se passe ; elles pensent qu’on peut encore discuter avec les libéraux et avec l’extrême droite. La crise écologique va frapper tout le monde et il va falloir faire des choix puisque ces gens -là ne veulent pas partager, ni consommer moins : va-t-on choisir les personnes à sauver ? Qui méritera d’être sauvé ? Qui va choisir ? Il n’y aura pas d’autres solutions pour les capitalistes que d’être violents, racistes, injustes et d’écraser violemment tout ce qui ne correspond pas à leur normes !
Créons des espaces de résistance où on ne cède pas !
Galvanisons-nous de notre héritage politique de lutte !
Qu’est ce qui vous a donné l’envie de vous engager en politique ?
Lorsque j’étais en 3ème, alors qu’en cours d’histoire, on étudiait la deuxième guerre mondiale et l’avènement du nazisme, lors d’une de mes premières « manif retraites » sous Sarkozy, j’ai vu un groupe faire des salut nazis avant de courser des jeunes non blancs, puis attaquer le cortège syndical et être repoussé par le service d’ordre de la manif’, pas par les policiers… Ça a été un événement marquant pour moi. Puis l’autre, ça a été la mort de Clément Méric*. Je me suis dis qu’on avait besoin de réactiver la lutte dans la rue.
* Jeune militant antifasciste mort le le 5 juin 2013, à la suite d’une rixe avec un groupe d’extrême droite nationaliste.
Quel souvenir vous laisse la manifestation à laquelle vous avez participé le 30 novembre à Romans?
Partir du quartier de la Monnaie avait un sens politique fort ! Le lien avec ses habitantes et habitants est important, il y a tant à construire pour réparer l’abandon et le mépris dont elles et ils sont victimes ! Cette manif, c’était une étape, le début de quelque chose, et il faut continuer d’inventer à se mobiliser ensemble !
Les luttes antiraciste et anticoloniale sont liées, comme le montre la présence du drapeau palestinien dans la manifestation de Romans-sur-Isère.
Que voudriez-vous dire aux Romanaises et Romanais ?
Dans les batailles contre l’extrême-droite, il faut y aller avec tous les moyens nécessaires : s’offrir toutes les possibilités de lutter !
Que la solidarité l’emporte sur les divisions ! J’aimerais que votre manifestation donne l’exemple et que cette mobilisation soit exportée autour de Romans et bien au-delà !
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