Coup de gueule#28
#justicesociale, #transitiondémocratique
À Romans et dans les villages, le lent poison de la haine
La tentative d’implantation de l’extrême droite à Romans et la libération de la parole raciste se font sur un terreau alimenté depuis 2014 par la première magistrate de notre ville.
L’expédition punitive des 25 et 26 novembre 2023 et le rassemblement de 200 militant·es venu·es de toute la France le 30 novembre dernier peuvent être lus comme les points d’orgues d’une succession d’événements politiques locaux, avec en leur centre une actrice : la Maire de Romans. Souvenons-nous. Le 8 mai 2014, Maire depuis 2 mois, Marie-Hélène Thoraval apparaît à la cérémonie toute de cuir vêtue, s’impatiente lors des discours des anciens combattant·es et résistant·es. Cinq ans plus tard, le Musée de la Résistance ferme ses portes, piétinant la mémoire résistante locale. Dans l’intervalle et depuis, une succession d’attaques sur celles et ceux qui ne sont pas jugé·es dignes d’être sur la photo du Romans fantasmé par Mme la Maire : suppression des menus sans porc à la cantine, baisse massive des aides aux écoles les plus défavorisées, augmentation exponentielle des tarifs du périscolaire pour les plus pauvres, abandon progressif de toute présence des pouvoirs publics à la Monnaie… Cette réalité s’intensifie lors du drame de Crépol, où notre Maire court les médias nationaux et dénonce les “générations de délinquants” de la Monnaie, le “racisme
anti-blanc”, stigmatise tout un quartier et ses habitant·es. Les conséquences ne se font pas attendre : la haine raciste se déverse sur les réseaux sociaux bien sûr, mais surtout dans la vraie vie, avec l’expédition punitive du mois de novembre qui a terrorisé tout un quartier et toute une ville. Et l’extrême droite nationale fait de Romans son nouveau projet d’implantation. Un an plus tard, le collectif “Justice pour les Nôtres” tente une action plus policée mais tout aussi raciste et discriminante dans son mot d’ordre. Collectif salué par Mme Thoraval, qui le félicite alors d’avoir été “irréprochable”. Notre Maire a choisi depuis longtemps ses combats, libérant la parole et la haine dans notre territoire.
Le racisme est “devenu la norme”. C’est en effet ce qu’a constaté Léa*. Neuf ans qu’elle habite dans un petit village près de Romans. Étudiante d’une vingtaine d’années, “typée” à la peau mate, elle a longtemps supporté en silence les blagues racistes, homophobes, sexistes, validistes de ses conscrit·es. En novembre 2023 elle était au bal de Crépol. Depuis, elle raconte :
“Je me sens mal avec eux [ses ami·es] car je baigne dans des paroles racistes. Ce n’est pas que les jeunes, c’est tout le monde dans ce village. La mort de Thomas a été un point de bascule vers un racisme totalement décomplexé”.
Nina* vit à Romans. Jeune femme de 17 ans, elle aussi fait le constat d’une augmentation du racisme depuis un an :
“On entend beaucoup de témoignages d’actes ou de paroles racistes, beaucoup de discriminations aussi envers les jeunes du quartier de la Monnaie. Quand on parle d’eux, on parle directement de Crépol et non pas des projets qu’ils ont pu faire.”
Sonia, elle, collégienne romanaise de 14 ans rapporte
“Depuis que je porte le voile, j’ai des regards effrayés ou méprisants, en mode quand je dis bonjour on ne me répond pas ou on m’ignore. Et au moment de Crépol on en a parlé au collège, qui était en état d’alerte. On nous disait de rentrer vite chez nous. Les personnes racisées du collège étaient méfiantes des gens qui passaient dans la rue.”
Au moment des législatives de 2024, c’est aussi cette expérience de Chérifa. Citoyenne romanaise engagée pour le Nouveau Front Populaire, elle a parcouru les rues de Romans avec son paravent décryptant le candidat Rassemblement National et ses idées. Intimidée à plusieurs reprises par la police municipale, elle a été convoquée le 30 juillet dernier au commissariat pour “diffamation envers un particulier” sur la base d’aucune plainte. Les reproches : montrer une croix gammée dans l’espace public (pour dénoncer les proximités entre Jordan Bardella et les néo-nazis). Depuis, aucune nouvelle. Chérifa réfléchit aux suites à donner à cette procédure abusive.
Sonia, à qui nous demandons comment elle se sent aujourd’hui, nous répond : “J’arrive à le supporter [le racisme], j’ai des ami·es qui ne vont pas hésiter à me défendre”. Soyons toutes et tous ces ami·es-là, pour contrer le poison de la haine.
* Les prénoms ont été changés à la demande des interviewées.
Article extrait du journal les 400 Coups n°11 | Hiver 2025
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